« Donner aux jeunes en situation de handicap les moyens d’agir » : le parcours de Jérémy Arnault

À 18 mois chez Arpejeh, Jérémy Arnault a déjà un cap clair : permettre à chaque jeune en situation de handicap d’accéder à une plus grande autonomie. Responsable des partenariats au sein de l’association créée en 2008 et pilote du programme de mentorat, il navigue entre éducation, engagement et insertion professionnelle. Dans cet entretien, il revient sur son parcours, sa vision du handicap fondée sur le droit, et l’impact très concret du mentorat.
Pouvez-vous vous présenter et expliquer en quoi consiste votre métier ?
Je m’appelle Jérémy Arnault. Je suis responsable des partenariats au sein de l’association Arpejeh, créée en 2008. J’y porte également le programme de mentorat. Concrètement, nous offrons à des jeunes en situation de handicap la possibilité d’être accompagnés par un mentor pour construire leur parcours, lever les embûches et bénéficier d’un soutien continu, encouragements, conseils d’orientation, appui à l’insertion professionnelle. L’idée est de co-construire un chemin réaliste et émancipateur.
Depuis quand occupez-vous ce poste et quelle est l’ampleur de l’action d’Arpejeh ?
Je suis arrivé chez Arpejeh il y a environ un an et demi 2 ans, dans une phase de forte croissance. C’est une bonne nouvelle : nous accompagnons aujourd’hui plus de 6 000 jeunes par an. Notre vocation est de rester accessibles à tous ceux qui le souhaitent et de favoriser leur autonomie.
Quelles qualités vous semblent essentielles pour exercer ce métier ?
Il faut une connaissance solide du champ du handicap, et surtout la compréhension de l’évolution des modèles : passer d’un modèle médical à un modèle social. Ce cadre de référence nourri par les grands textes et la Convention relative aux droits des personnes handicapées nous conduit à aborder le handicap d’abord par le droit, et non par un réflexe paternaliste ou uniquement caritatif. C’est ce positionnement qui permet un accompagnement juste et exigeant.
Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans vos fonctions ?
Ce poste réunit mes thèmes de prédilection : jeunesse, éducation, engagement, politiques publiques. J’y retrouve l’écosystème très vaste du handicap, avec ses acteurs historiques et d’autres plus récents et revendicatifs. Mon objectif est de faire exister Arpejeh dans cet écosystème tout en restant fidèle à nos valeurs et à nos principes.
Quel est le plus grand défi au quotidien ?
Amener les jeunes à concevoir leur trajectoire comme un parcours. Aller en études supérieures, décrocher un stage ou une alternance, c’est indispensable, mais ce n’est pas une fin en soi. Toutes nos actions, visites d’entreprise, coachings, ateliers ont du sens parce qu’elles visent un but : l’insertion professionnelle. Qu’elle se fasse dans l’entrepreneuriat, le privé ou la fonction publique, l’objectif reste le même : trouver sa place dans le monde du travail.
Pourquoi avoir choisi cette voie et quel est votre parcours ?
J’ai toujours voulu travailler dans le domaine du handicap, pour des raisons personnelles et familiales. Je me suis d’abord orienté vers la surdité, d’où une licence en linguistique et sciences du langage à Paris Descartes. Très vite, j’ai cherché davantage de pratique et j’ai saisi plusieurs opportunités, notamment une opportunité dans l’Éducation nationale.
J’ai ensuite géré un dispositif au sein d’une cité scolaire du 15ᵉ arrondissement de Paris qui accueillait de nombreux élèves à besoins éducatifs particuliers. Il ne s’agissait pas d’une ULIS au sens strict, mais d’une mission créée sur mesure. Cette expérience a été extrêmement formatrice, tout en révélant la nécessité de me former encore tout en confirmant un besoin de légitimité dans le domaine à travers des formations continues.
Quelles formations avez-vous suivies et qu’en retenez-vous ?
Je me suis formé en continu : diplôme universitaire orienté recherche et bonnes pratiques, maîtrise du braille, formation en langue des signes française. J’ai ensuite intégré l’INSHEA (devenu INSEI) où j’ai obtenu deux masters : Direction, pilotage et coordination dans l’intervention sociale et médico-sociale ; puis Ingénierie, conseil et expertise auprès des équipes institutionnelles. Les intitulés sont longs, mais chaque mot compte !
L’INSHEA m’a offert un cadre unique : un « temple » des pédagogies adaptées, à la fois protégé et très ouvert vers l'éducation nationale, le médico-social, l’associatif. Malgré le contexte du Covid en 2020 et le passage au distanciel, nous avons su maintenir des cours très pratiques. Cette maison m’a redonné le goût des études académiques ; sans la chance qui m’a été donnée d’y entrer, je ne serais probablement pas là où je suis aujourd’hui. J’y ai ensuite travaillé comme responsable du service de formation continue, autour de 2022.
En quoi le mentorat est-il spécifique et utile ?
Le mentorat, ce n’est ni du coaching ni du tutorat : c’est l’engagement d’un binôme sur une période donnée. Le début peut paraître un peu mécanique, il faut s’ouvrir et parler de soi mais la relation de confiance se construit vite. Les bénéfices sont tangibles : conseils, ouverture du réseau, accompagnement à l’insertion. Quand les premiers refus de candidature arrivent, le mentorat devient une ressource très efficace. Et nous invitons les jeunes mentorés à devenir mentors à leur tour : transmettre ce qu’on a reçu nourrit la cohésion sociale. Sans le programme, deux personnes se seraient peut-être simplement croisées ; avec lui, elles nouent une relation structurante. Alors oui, allons-y à fond pour développer le mentorat !
Quels conseils donneriez-vous aux futurs diplômés ?
D’abord, capitalisez sur les travaux d’équipe : apprendre à coopérer, répartir / dépasser les rôles préconçus, analyser les dynamiques du groupe. Ensuite, tenez votre carnet d’adresses à jour : dans le champ du handicap, personne ne sait tout, et pouvoir appeler un pair en « SOS » sert toujours l’intérêt du jeune. Enfin, n’hésitez pas à revenir en formation : nos métiers sont exigeants et les études peuvent être un véritable oasis pour prendre du recul, analyser les pratiques sans jugement et se rappeler pourquoi on s’engage.
