Du professorat à l’accessibilité : le parcours engagé de Julia Zucker (INSEI 2014)

Du professorat à l’accessibilité : le parcours engagé de Julia Zucker (INSEI 2014)

Julia Zucker (promo 2014) incarne l'engagement public en faveur de l’accessibilité. Ancienne enseignante, elle s’est réorientée vers le secteur du handicap et de l’inclusion en intégrant le master de l’INSEI (ex-INSHEA). Aujourd’hui, elle partage son temps entre la délégation ministérielle à l'accessibilité et la start-up d'État Acceslibre. Dans cet entretien, elle revient sur son parcours, ses missions, les défis de son métier et les clés pour s’y épanouir.

Bonjour Julia, pouvez-vous vous présenter et nous parler de votre poste actuel ?

Je m'appelle Julia Zucker. Je travaille à la délégation ministérielle à l'accessibilité (DMA), qui dépend du ministère de l'Aménagement du Territoire et de la Transition écologique. Je suis en charge du secteur du cadre bâti : établissements recevant du public, logements et locaux de travail.

Depuis cinq ans, j’occupe un double poste : à la fois au sein de la DMA et en tant qu’intrapreneuse de la start-up d’État Acceslibre. Avec une collègue, nous portons ce projet de site web qui recense les informations d’accessibilité des lieux ouverts au public. Ces données sont structurées et mises à disposition en open data. L’objectif est de diffuser ces informations pratiques sur l’ensemble du web pour les rendre facilement accessibles aux personnes en situation de handicap. Ainsi, aujourd’hui, on les retrouve sur des sites comme AlloCiné, SortiraParis.com, Pages Jaunes, etc.

Quelles compétences sont essentielles pour exercer le métier de chargée de mission accessibilité du cadre bâti ?

Il faut avant tout une réelle appétence pour les enjeux d’accessibilité, accompagnée d’une certaine curiosité technique. La réglementation est très précise, parfois un peu aride : on parle de centimètres de largeur, d’angles rentrants, de ressaut, de pourcentage de pente… Il faut savoir entrer dans ce niveau de détail, le comprendre et surtout l'expliquer.

Notre mission à la DMA, c’est aussi un rôle de concertation et de pilotage. Nous travaillons régulièrement avec les cabinets ministériels, les collectivités, les associations ou encore les acteurs économiques. Il faut donc avoir une grande capacité d’argumentation, de diplomatie et d’adaptation pour ajuster son discours selon les interlocuteurs, tout en gardant le cap sur l’objectif commun.

Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans votre métier ?

C’est précisément cette variété. Même si nous sommes en administration centrale, notre travail est très concret. Nous sommes au croisement de nombreux profils : institutions, usagers, acteurs de terrain depuis les collectivités, jusqu’aux commerçants .

J’aime beaucoup ce travail d’adaptation, de pédagogie, et le fait de devoir convaincre tout en tenant compte des contraintes de chacun. Le métier n’est jamais répétitif. Nos missions évoluent selon les priorités politiques, les changements réglementaires ou l’actualité du secteur. C’est stimulant.

Quel est le plus grand défi que vous rencontrez ?

Le plus difficile, c’est de parvenir à rassembler des acteurs très différents autour d’un compromis opérationnel. Nous travaillons avec des associations, des représentants de l’État, des entreprises du bâtiment… Chacun a ses intérêts, et il faut éviter qu’un seul acteur porte tous les efforts pendant que les autres restent en retrait.

Le secret, c’est la régularité du dialogue. Plus les temps de concertation sont espacés, plus les acteurs se referment sur leurs problématiques. Il faut maintenir le lien pour préserver la mémoire des compromis passés et éviter de repartir de zéro à chaque fois.

Quel a été votre parcours avant d’arriver à ce poste ?

À l’origine, j’étais enseignante de français, avec l’ambition de travailler auprès d’élèves sourds. Finalement, les choses ne se sont pas déroulées comme prévu. À un moment, je pensais me reconvertir comme interprète en langue des signes. Et puis, le hasard m’a menée à l’INSEI, où j’ai suivi une formation de spécialisation sur les élèves sourds.

C’est dans ce cadre que j’ai découvert le domaine de l’accessibilité, grâce à un projet mené dans mon collège, en partenariat avec la Cité des sciences. J’y ai rencontré des professionnels du secteur, ce qui a été un déclic.

J’ai ensuite découvert que l’INSEI proposait un master en accessibilité. J’ai candidaté pour une entrée directe en M2, compte tenu de mon parcours, et j’ai pu suivre cette formation en parallèle de mon poste à mi-temps au collège. Après l’obtention du diplôme en 2014, j’ai rapidement trouvé du travail et j’ai rejoint la DMA en 2015.

Pourquoi avoir choisi cette formation, et que vous a-t-elle apporté ?

Tout s’est aligné assez naturellement, et cette formation correspondait parfaitement à mes attentes du moment. Le master m’a permis de réactiver ma pensée universitaire, ce qui m’a vraiment fait du bien. Avec son approche très axée sur les sciences sociales, il convenait particulièrement bien à mon profil littéraire.

Il m’a permis de poser des concepts autour du handicap, de mieux comprendre les enjeux sociaux de l’inclusion, et d’appréhender les mécanismes de la discrimination. Même si l’aspect très technique de l’accessibilité du cadre bâti est venu plus tard dans mon parcours, cette formation m’a donné une base solide pour comprendre comment faire société avec des profils multiples, et pourquoi il est essentiel d’adapter notre environnement à cette diversité.

Quel conseil donneriez-vous aux étudiants actuellement en formation à l’INSEI ?

Je leur dirais d’y aller sans hésiter. Le secteur est riche en opportunités. Il y a une vraie demande de profils qualifiés, en particulier du côté technique. Certaines collectivités peinent à recruter des professionnels à l’aise avec la réglementation.

Il faut bien choisir son stage, car il conditionne souvent la suite. Et il ne faut pas avoir peur de se confronter à la technicité : comprendre la norme, c’est aussi comprendre le besoin auquel elle répond. Et cette compréhension permet d’être utile, crédible, et d’ouvrir de nombreuses portes professionnelles.


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