Interview de Florence, conseillère en accessibilité : "Placer l’humain au cœur de mon métier"

Interview de Florence, conseillère en accessibilité : "Placer l’humain au cœur de mon métier"

Florence a fait le choix audacieux de quitter le monde du cinéma pour s’engager dans l’accessibilité culturelle, en particulier pour les personnes sourdes et malentendantes. Diplômée du master Conseiller en accessibilité de l’INSEI, elle revient sur sa reconversion, ses défis, ses choix et son avenir professionnel. Un parcours marqué par la curiosité, la persévérance et un profond engagement en faveur de l’inclusion.

Pouvez-vous nous expliquer votre parcours de façon détaillée ?

Je viens initialement du monde du cinéma. J’ai fait des études dans ce domaine et j’y ai travaillé plusieurs années, notamment comme scripte. Mais avec le temps, j’ai eu envie de quitter cet univers que je trouvais très individualiste, pour aller vers quelque chose de plus humain, de plus ouvert.

J’ai donc repris mes études une première fois avec un master en développement culturel et valorisation des patrimoines. Mon objectif était alors de rendre la culture accessible aux publics qui en sont éloignés. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à m’intéresser aux publics empêchés, notamment aux personnes en situation de handicap.

Parallèlement à mon alternance en service culturel, j’ai commencé à apprendre la langue des signes française. Cela m’a amenée à m’engager davantage dans la communauté sourde, que j’ai trouvée fascinante par sa culture et sa langue. Petit à petit, j’ai décidé de m’orienter vers l’accessibilité culturelle pour les personnes sourdes.

La crise du Covid a bouleversé la fin de mes études. Les établissements culturels fermant, je me suis orientée vers un poste dans un centre de formation à la langue des signes. Cela m’a permis de mieux comprendre les besoins des personnes sourdes, de découvrir les dispositifs d’accessibilité existants, et de fréquenter des interprètes. C’est à ce moment-là que j’ai décidé d’entamer une reconversion pour intégrer la deuxième année du master Conseil en accessibilité de l’INSEI.

J’ai obtenu mon diplôme en 2023. J’ai prolongé d’une année supplémentaire pour terminer mon mémoire, qui portait sur l’accessibilité du spectacle vivant pour les personnes sourdes-aveugles, atteintes du syndrome d’Usher.

Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un en reconversion professionnelle ?

Je recommanderais d’aller à la rencontre des professionnels du secteur visé, de solliciter des entretiens. La plupart sont très ouverts à discuter, surtout si cela s’inscrit dans un projet de formation.

Ensuite, il faut faire un vrai travail de veille : s’abonner à des newsletters, lire la presse spécialisée, aller à des salons, des colloques. L’idéal est de pouvoir organiser ces informations, les classer, pour les utiliser plus tard dans son projet.

Je conseillerais aussi de contacter des personnes qui ont suivi une reconversion, et idéalement, celles qui ont fait la formation envisagée. C’est ce que j’ai fait avec d’anciens élèves de l’INSEI, et cela m’a permis de mieux me projeter dans le cursus.

Avez-vous rencontré des difficultés durant votre reconversion ?

La principale difficulté a été de faire accepter ma transition professionnelle à mon employeur. Même s’il ne pouvait pas la refuser, il avait du mal à accepter que je ne sois plus disponible pendant la formation pour mon poste ou pour aider mes collègues.

J’ai été beaucoup soutenue par mon conseiller en évolution professionnelle (CEP), qui m’a aidée à formuler les bons arguments, à rappeler mes droits, et à clarifier que je ne pouvais pas assurer une double mission pendant cette période.

Pourquoi avoir choisi l’INSEI ? Et qu’est-ce que cette école vous a apporté ?

Je l’ai choisie d’abord pour sa réputation, très bonne dans le domaine. C’était l’école qui revenait le plus dans mes recherches et dans mes échanges avec des professionnels.

Ensuite, le programme du master mentionnait clairement un volet sur l’accessibilité et la culture, ce qui est rare. Beaucoup de formations culturelles parlent d’accessibilité en surface. Là, c’était au cœur du programme.

Je me suis aussi renseignée sur les enseignants : certains avaient publié des travaux que j’avais lus et qui correspondaient à ma vision. J’avais aussi suivi une formation courte au Braille à l’INSEI, où j’ai rencontré l’équipe. J’ai été marquée par leur bienveillance et leur accompagnement, surtout dans le contexte parfois incertain d’une transition professionnelle.

Quels types de postes envisagez-vous aujourd’hui ?

Je vise des postes de conseillère en accessibilité, en lien avec la culture et le spectacle vivant. Chargée d’accessibilité, référente handicap, voire responsable des publics avec cette spécialisation.

Je n’envisage pas encore l’activité en indépendant, mais peut-être un jour, une fois mon réseau professionnel consolidé.

Est-ce un secteur porteur selon vous ?

Cela dépend beaucoup des structures et de leur volonté politique. Il y a une vraie prise de conscience, des offres apparaissent avec des postes dédiés à l’accessibilité. Mais dans un contexte où les budgets culturels se réduisent, certaines structures n’en font pas une priorité.

Cela dit, nous sommes dans une dynamique positive, avec les 20 ans de la loi handicap, et je pense que cette tendance va continuer à se renforcer, même si ce n’est pas aussi rapide qu’on le souhaiterait.

Un dernier mot pour conclure ?

Je voudrais simplement remercier l’INSEI. Mon passage y a été court, mais très marquant. Il y règne une ambiance bienveillante qui se transmet aussi entre les promotions. Cette cohésion, ce climat d’entraide, c’est quelque chose qui m’a beaucoup apporté et qui me manque aujourd’hui. C’est une école qui laisse une vraie empreinte humaine.


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